Procès-fleuves et recouvrement de factures : quand les intérêts dépassent le principal après 19 années de procédure

L’Amazone est le plus long fleuve du monde mais c’est pourtant sur le Gange que se déroule la plus longue croisière fluviale, d’une durée de 51 jours, faute pour l’Amazone d’être naviguable sur une telle distance dans des conditions de navigation de plaisance.

L’Amazone est le plus long fleuve du monde mais c’est pourtant sur le Gange que se déroule la plus longue croisière fluviale, d’une durée de 51 jours, faute pour l’Amazone d’être naviguable sur une telle distance dans des conditions de navigation de plaisance.

Certains procès ressemblent toutefois plus à une croisière mouvementée sur l’Amazone, avec nombre d’embûches et, au final, une embouchure gigantesque et un sentiment d’immensité.

Dans un dossier dont notre cabinet a hérité au travers d’un mandat de curateur de la faillite d’une société de services, on pourrait croire que le problème vient de l’arriéré judiciaire, si décrié mais qui fait parfois office d’une cible facile.

Au terme d’un jugement rendu début septembre 2025, la partie débitrice de la société faillie s’est vue condamnée au paiement de factures vieilles de plus de 19 ans et dont le montant des intérêts cumulés représente plus du double du montant en principal.

Autrement dit, l’addition après plus de 19 années a triplé pour la partie débitrice.

Ici, ce qui a vraiment provoqué la catastrophe, c’est une expertise judiciaire interminable et, surtout, une stratégie procédurale n’anticipant pas, à notre sens, le risque que représente l’accumulation d’intérêts.

???? Le choix de la partie débitrice a été de mettre dans le même panier des factures sérieusement contestables et d’autres qui ne l’étaient objectivement pas.

???? L’expertise judiciaire s’est littéralement enlisée pendant de nombreuses années, sans que son résultat apporte un éclairage sur les factures objectivement non litigieuses.

???? Résultat : 19 ans plus tard, les factures incontestées produisent des intérêts colossaux, tandis que les factures réellement discutables ont fini par être écartées par le tribunal.

On retrouve ici une pratique dangereuse : parier sur l’épuisement de l’adversaire en l’entrainant dans des procédures longues, favorisées par des calendriers judiciaires, des fixations en audience de plaidoirie lointaines et des mesures d’instruction fastidieuses.

Cela peut fonctionner si la société créancière s’essouffle et abandonne car qui a envie d’attendre plus de 19 ans pour recouvrer son dû ? Nous rencontrons souvent des dirigeants de PME faisant l’impasse sur le recouvrement de « petites factures », faute d’avoir l’énergie et un accompagnement juridique optimal pour recouvrir ce qui finit parfois par représenter des « créances douteuses » de dizaines de milliers d’euros !

Mais cela peut aussi aboutir à l’effet inverse : dans le cas présent, le propriétaire de la société a pris sa retraite et lassé de payer les frais fixes de sa société, il a fait aveu de faillite.

Guère tenu par l’urgence, le curateur a repris le dossier jusqu’au bout, avec une détermination intacte pour recouvrer les factures litigieuses.

Au final, les intérêts dus après vingt ans apparaissent énormes, mais ils ne sont que la juste application de la loi :

  • 19 ans sans paiement, c’est quasiment une gérénération (autrefois) où le créancier a dû vivre sans cet argent, tout en ayant dû payer l’impôt sur ce chiffre d’affaires non encaissé ;
  • la sanction est mécanique : les intérêts compensent cette attente forcée et rétablissent une forme de justice, tardive certes, mais où on rééquilibre les droits de chacun.

 

⚖️ Moralité :

  • Il est dangereux de confondre stratégie de contestation et refus de payer l’incontestable : il vaut mieux identifier ce qui est réellement litigieux et régler ce qui doit objectivement l’être, afin de diminuer l’impact d’intérêts éventuellement dus, voire même couper court à une procédure où le créancier réfléchira à poursuivre le recouvremùent de factures pas solidement défendables.
  • Les procédures d’épuisement sont un pari perdant : elles exposent à des condamnations démesurées quand on se perd dans les méandres des procédures avec mesures d’instruction comme une expertise. Un créancier se considérant dans son bon droit peut, même si cela lui coûte en frais de justice, considérer que c’est une affaire de principe. Le risque de faillite rebat aussi les cartes puisque le mandataire de justice a pour mission de recouvrir l’actif et comme le curateur est un avocat, il n’a pas besoin d’externaliser ce service !

 

En matière de contentieux commercial, l’anticipation du risque de condamnation — même partielle — est essentielle.

Le portail « Business Claim » du cabinet BOCHON & PARTNERS vous donne un aperçu des litiges économiques que nous prenons en charge et de l’approche que nous privilégions.

En tant qu’avocats, nous avons le devoir de conseiller le client en toute indépendance et même d’aller contre son envie d’aller au litige « par principe » ; c’est cette indépendance qui nous permet d’assumer un positionnement clair dans les litiges et d’accompagner au mieux chaque client dans la défense globale de ses intérêts.

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